Poèmes

Marilyn

J’ai rêvé que Marilyn était vivante
Et qu’elle faisait encore des photos
Et avec le poids des ans
C’était encore plus beau

Je la voyais me parler
Dans la cuisine de mes parents
Dans cette maison où j’ai été
Entre 10 et 18 ans

Elle avait un peu 
Les yeux de Romy Schneider
A moins que ce ne soient ceux
Cernés de Signoret

Elle bossait avec un vieux photographe
Un type un peu en marge, un peu timbré
Qui répétait chaque jour ce vieux mantra
« J’ai trouvé la photo parfaite, ça y est ! »

Il avait des airs de Joe Cocker
En plus hirsute et taciturne
Du genre je suis dans mon bunker
Et je l’ouvre quand j’en tiens une

*

J’ai rêvé que Marilyn était vivante
Et que lorsqu’elle faisait des photos
Tout se passait en noir et blanc 
Devenait autre, devenait beau

Elle était descendue en hélicoptère
Dans une sorte de manoir hôtel
Dont elle occupait avec son fidèle collaborateur
Une grande salle dans le plus grand des secrets

Quand elle posait je ne la voyais plus
Mais je savais qu’elle était en noir et blanc
Je restais dans le hall admirant les moulures
Sachant qu’à l’intérieur tout allait divinement

M’était-elle apparue ainsi
Parce qu’au réveil j’irai à Montreuil
Travailler sur une chanson dont le sous-titre
« Sick actrice » me renvoie à elle et La Cicatrice Intérieure ?

Ou parce que dans La grande vie
Tout juste lu, de Christian Bobin
Il la qualifie de « martyre du sourire »
Parce qu’elle souriait « à ses assassins » ?

*

« Marilyn a quelque chose de déchirant, dit-il. Elle est perdue
Mais ni plus ni moins que vous ou moi, n’est-ce pas
Une fois que nous avons enlevé le maquillage 
De nos conforts, de nos savoirs et de nos croyances. »

« Marilyn sait que l’humanité a faim
Plus encore que de pain ou de sexe
D’une vraie gaieté, d’une gaieté profonde 
Accordée au secret des fleurs, du ciel, des anges. »

« Marilyn tendait une gaieté volatile 
Sur la petite assiette de son visage
Mangez-moi. Ceci est ma folie
Ceci est ma perte. Je suis des vôtres. »

« C’est une plaie d’être une femme mais qu’on se rassure
C’est une autre plaie d’être un homme. Il faut tenir son rôle jusqu’au bout
La vie, dit Rimbaud, est la farce à mener par tous. Mais la gaieté ? Ce je ne sais quoi 
Qui ensoleille le cœur, cette braise sur laquelle la main en chêne de la mort ne peut se refermer ? »

J’ai rêvé que Marilyn était vivante
Et qu’elle faisait encore le boulot
Mais comme ce n’est pas le cas ce dimanche
Je suis allée la voir, voici quelques photos.

 

(rêve de la nuit du 9 au 10 août 2019 et expo vue le 1er septembre 2019)

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