Poèmes

Le Plaisir (II)

Le plaisir d’aller à la piscine
Un matin de décembre
Au lieu de rester au lit
Dans de doux méandres

C’est le plaisir de déconnecter
De faire l’amour à l’eau
Tout du moins essayer
Ce rapport à l’autre

Et vaguement repenser
En ce qui te concerne
A ces mots oubliées
Ces lignes si belles

Qu’avait su en tirer
Dans un ce ses livres
Sur le plaisir de nager
Haruki Murakami

Il te semble que c’était
Dans Chronique de l’oiseau
A ressort, dont ton exemplaire
Est d’ailleurs, ironie de l’histoire

Tout gonflé d’avoir un jour pris l’eau
Au fond d’un sac que la pluie frappa
Trop longtemps pour la petite chose
Que tu avais sur le dos ce jour-là

Tu ne trouveras pas le passage
Autant pisser dans un violon
Le livre fait huit-cents cinquante pages
Et se gondole comme un bandonéon

Et si ça se trouve
L’extrait n’y figure pas
Et ta mémoire te joue
Des tours, la garce

Il est plus sûrement, peut-être
Dans La Ballade de L’impossible
Que tu as lu peu de temps après
Charmé par sa façon d’écrire

*

Le plaisir d’aller à la piscine
Un matin de décembre
Au lieu de rester à lire
Je ne sais quel encre

C’est le plaisir de se déboucher les naseaux
Se remémorer sa naissance
Littéralement d’avoir la tête sous l’eau
Les idées, ça les change

Tu repenses à « Rue des marais »
Ce morceau de Dominique A
D’une insondable tristesse
Cruelle, à fond de cale

Où il chante la perche dans le chlore
Qui lui semble hors d’atteinte
Et ça te ramène à ton corps
Qui a connu cette crainte

Et c’est plonger dans le grand bain
Laisser le monde prendre le dessus
Et l’embryon devenir la nymphe
Sa propre fleur de lotus

Danser dans le maillage jaune et bleu
Qui s’y trame comme des boules
De lotos amoureuses
Et le pull qui s’y trouve

Songer au « Lazy Sunbathers »
Tout en refrain et cône glacé
A mille lieux de la guerre
De Stephen Patrick Morrissey

Et son reflet narcissique
Pop-artisé par Hockney
Éléphant dans un jeu de quilles
Divinement abstraits

Et retrouver ce qu’on avait laissé dans un box
Et se sentir un homme nouveau
Qui, jeté dehors, remet la main sur son phone
Et, oh, il y a plein de petits mots !

 

(2 décembre 2019) 

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